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Dossiers mardi 12 octobre 2021

Le trouble de stress post-traumatique

Par Marie-Hélène Paradis

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Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un trouble réactionnel qui peut se développer après une exposition à des événements stressants et traumatisants, tels la violence, le crime, les combats, les accidents de voiture, les vols qualifiés ou les abus.

Notre corps a développé un système d’alarme qui se déclenche lorsqu’il y a un danger. Cependant lorsque le système d’alarme ne peut pas s’éteindre, l’anxiété et la peur deviennent excessives au point d’interférer avec la vie quotidienne. Nous sommes tous sujets à vivre des stress, mais nous réagissons tous différemment. D’après des études, près de 9 % des personnes ayant subi ce genre d’événements développent un trouble de stress post-traumatique à un moment de leur vie. Les raisons pour lesquelles certaines personnes souffrent de TSPT et d’autres n’en sont pas affectées ne sont pas connues. [1]

L’histoire que nous raconte MMarie-Claude Trudel est un exemple qui illustre bien les conséquences de ce nous pouvons vivre, peu importe notre âge, et qui peuvent resurgir plusieurs années plus tard. Le trouble de stress post-traumatique est difficile à diagnostiquer et peut être confondu avec d’autres troubles.

[1] Source : Douglas, Institut de santé mentale, Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Ïle-de-Montréal.

Le début

Pendant sa jeunesse, tout semblait bien se passer en apparence : une mère enseignante, un père avocat en pratique privée et juge à la Cour municipale, une enfance dans un milieu confortable. Ce n’est qu’en quittant le nid familial pour entrer à l’université que tout a commencé.

« Je m’étais toujours dit que je n’irais pas en droit, que c’était un métier un peu fou, mais à la fin de mon secondaire, en faisant un débat en histoire, j’ai bien dû constater que j’aimais tout ce que ça comportait : la lecture, les exposés oraux et les débats d’idées. En plus, j’avais de la facilité à défendre des points de vue; c’est donc pour ça que j’ai exploré la possibilité de devenir avocate. J’ai quand même fait mon Cégep en administration, matière que j’aimais aussi. »

À l’Université de Sherbrooke, en 1992, tout s’est bien déroulé pendant la première session. À l’hiver, MTrudel a commencé à ressentir certains symptômes d’anxiété et de fatigue. « Le fait de sortir de mon milieu pour aller étudier dans une autre ville a provoqué plein de symptômes et je suis tombée malade. J’ai perdu mes repères et je me suis retrouvée tout à coup en sécurité dans mon appartement. Je découvrais la paix quand j’ouvrais la porte de mon chez moi. Il n’y avait pas de tension, personne ne criait, pas de menace. C’était perturbant de constater que ça pouvait être tranquille et sécuritaire, jour après jour. Je ne pouvais à ce moment dire exactement ce que c’était. J’ai consulté et il a fallu des mois, même des années, pour trouver ce qui n’allait pas. Mon mal a été identifié comme étant plutôt de l’anxiété et non un trouble de stress post-traumatique (TSPT). »

Les symptômes

Malgré tout, Marie-Claude Trudel a terminé avec succès son année scolaire. Mais à la fin de l’année, elle éprouvait tellement de symptômes qu’elle en avait perdu l’appétit et était très amaigrie. Elle a commencé un travail d’été mais, se sentant vraiment mal en point, elle a dû consulter en clinique d’urgence. Les intervenants qui l’ont rencontrée lui ont interdit de retourner au travail. « Je n’ai pas eu le choix. Je n’en ai parlé à personne au début, parce que je vivais ça comme de l’épuisement, mais plus tard j’ai reconnu l’anxiété, la peur. Puis sont venues les idées noires : plus rien ne fonctionnait, je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas comment expliquer ce que je ressentais. À l’époque, le trouble de stress post-traumatique (TSPT) était plutôt méconnu, même dans le milieu de la santé. Il faut ajouter aussi que les symptômes sont apparus plusieurs années après les événements, d’où la difficulté de poser le bon diagnostic. »

Elle réalise maintenant qu’elle a vécu des épisodes de reviviscence (flash-back), pas des images, mais des sensations, des émotions. « Je pensais que j’étais en réaction par rapport à quelque chose dans mon présent, je n’avais aucune idée de ce que je vivais. J’ai fini par en parler à mes parents, mais ils n’ont pas compris. Ma mère me conseillait de boire de la tisane à la camomille. Mon entourage et même certains médecins me disaient que c’était normal de me sentir anxieuse, que ça venait avec les études en droit. J’ai dû prendre une année de repos avant de continuer le baccalauréat. Je suis retournée vivre chez mes parents mais à un certain moment, je n’étais plus capable d’être dans la maison, ça n’allait vraiment pas bien. La seule chose qui m’apaisait était de sortir dehors. Mes parents ne comprenaient pas à quel point j’avais besoin de soutien. »

Entre le début des symptômes et la prise en charge par une clinique de Sherbrooke spécialisée dans le traitement des troubles anxieux, le suivi médical de MTrudel n’a pas été constant. Elle a fini par subir une évaluation multidisciplinaire et a reçu un diagnostic d’anxiété généralisée. La médication et le sommeil ont ensuite pu lui apporter soulagement et récupération, et elle a pu reprendre le fil de sa vie.

Le diagnostic

Vingt ans plus tard, en 2014, les symptômes refont surface. Elle entre alors en contact avec un thérapeute spécialisé en matière de traumatisme et celui-ci met à jour sa problématique. Au bout d’un certain temps, elle doit être prise en charge en psychiatrie. Le diagnostic de trouble de stress post-traumatique, complexe à établir, a finalement été officialisé et, à partir de ce moment, la médication a amélioré l’état de MTrudel. « J’ai eu peur de la stigmatisation : prendre des pilules et consulter en psychiatrie ne sont pas nécessairement bien vus.  On pense à tort que la psychiatrie, c’est seulement pour les gens souffrant de maladies mentales graves. Mais le psychiatre est un spécialiste qui a complété son cursus de médecine pour ensuite faire une spécialisation en psychiatrie. En plus de connaître différentes approches, il peut prescrire la médication adaptée à notre problématique de santé mentale. Quand on a un cancer ou si on se brise une jambe, on ne se demande pas s’il est pertinent ou non de faire affaire avec un médecin spécialisé. On ne devrait pas plus hésiter à consulter un psychiatre. »

Sans le soutien de son conjoint, rien n’aurait été pareil. « Je ne me suis jamais sentie jugée, il m’a donné l’espace nécessaire pour vivre ça. Quant aux collègues de l’université, j’ai pu me confier à certains, mais j’ai perdu le contact avec d’autres, à cause de l’incompréhension concernant trouble de stress post-traumatique. »

« Avant l’ajustement de la médication par une psychiatre chevronnée et une thérapie qui vise directement le TSPT complexe, les médicaments et les thérapies m’ont aidée à mettre un pansement sur la douleur, mais n’ont pas guéri la blessure. Je me suis posé beaucoup de questions sur la nécessité de revisiter ces événements douloureux, mais j’ai compris que c’était nécessaire. Ce n’était pas de se complaire que d’en parler et de mettre le doigt sur ce qui faisait mal. J’ai été en arrêt de travail pendant deux ans. » MTrudel est maintenant en fin de parcours thérapeutique, un parcours qui dure depuis six ans et qui lui a permis de trouver des moyens pour vivre la vie qu’elle désirait sans trop de séquelles de TSPT. Elle a fait face à ses difficultés et prend aussi les moyens au quotidien pour être bien. Ainsi, elle fait de la musique, prend des marches, et épouse une routine de vie stable.

« J’ai bénéficié d’un suivi médical rigoureux, d’un retour au travail progressif et du soutien de mon employeur, ce qui fut salutaire. Maintenant, je constate que tout ça m’a donné une capacité d’écoute, une empathie sincère comme avocate. Je veux contribuer à mieux faire connaître le trouble de stress post-traumatique et à faire évoluer les mentalités par mes conférences et mes actions, car selon moi, les avocats ont une place à occuper pour une meilleure connaissance de ce genre de situations. Si j’ai un souhait à formuler, c’est que lorsque tout ça m’est arrivé, j’aurais aimé que les gens près de moi soient sensibilisés aux symptômes du trouble de stress traumatique afin d’être dirigée rapidement vers les soins appropriés. »

« C’est un peu déstabilisant de parler de ce genre de problèmes. On a tous peur du jugement et le jugement est encore très présent dans ce domaine de la santé. Mais c’est une belle ouverture de la part de mon ordre professionnel que de se pencher sur les défis amenés par la profession. Ça contribue à ouvrir une porte pour en parler et chercher de l’aide », conclut MTrudel.

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