Dossiers mardi 22 février 2022
De la Guinée au Québec
Me Ibrahima Dabo
Par Marie-Hélène Paradis
Fils d’un avocat et d’une institutrice, Me Ibrahima Dabo a d’abord voulu faire une carrière dans l’armée. Son parcours atypique l’a mené jusqu’à Québec, à sa grande surprise.
« J’ai reçu le veto de mon père dès que je lui ai appris que je voulais aller dans l’armée. Il m’a demandé de faire des études universitaires et m’a dit qu’après, je serais libre de faire ce que je voulais et, pour une fois, je l’ai écouté », raconte Me Dabo avec un sourire dans la voix. Comme de fait, il n’a plus eu le goût, après ses études universitaires en droit, de joindre les rangs de l’armée, se trouvant trop vieux pour commencer une telle carrière et ayant développé le goût du droit. « En Guinée où j’ai grandi, à chaque congé scolaire je suivais mon père avocat dans ses déplacements au tribunal. J’avais donc une idée de ce qui se passait à la cour et de ce que les avocats y faisaient », nous dit Me Dabo.
De la Guinée à Québec en passant par la France
Il a fait ses études universitaires en France, à Paris (Paris II Panthéon-Assas et Paris XI), et à Montpellier. Ses études complétées, le choix entre un retour en Guinée ou débuter une pratique en France s’est posé. Une campagne de recrutement de talents à l’international, orchestrée par le ministère de l’Immigration du Québec, a attiré son attention. Il immigre donc en 2006. « Je voulais aller à Sherbrooke, le nom de la ville m’interpellait, mais j’ai plutôt fait une demande à l’Université Laval. Je savais qu’il me faudrait partir presque de zéro avec mes études, mais j’ai quand même fait le saut. En arrivant à Montréal chez des amis, j’ai voulu prendre le métro pour aller sur le campus et c’est là que j’ai découvert que l’Université Laval n’était pas à Laval, mais à Québec. C’est où Québec? », se remémore en riant Me Dabo. Puisqu’il n’avait fait de demande d’inscription qu’à cette seule université et ne voulant pas retarder davantage son nouveau parcours, il décide de partir pour Québec avec Allo-Stop, en plein été. Il a pris le temps de découvrir le campus et le Vieux-Québec, et a même pu y reconnaître un visage familier qu’il avait vu souvent en France : Corneille!
Pratique solo : les premiers pas
« J’ai obtenu mon baccalauréat en deux ans, grâce aux quelques équivalences qu’on m’a reconnues. Mais ce que je ne connaissais pas du parcours québécois, c’était la course aux stages. Après quelques démarches, j’ai fini par trouver un stage dans un petit cabinet. En 2009, j’ai été assermenté et, tout de suite, j’ai ouvert un cabinet à Québec. Je n’ai jamais voulu avoir de patron. J’ai de beaux dossiers et je me suis fait un nom petit à petit. Je n’aime pas trop briller sauf quand je plaide. Une carrière solo, c’est déjà plein de défis, surtout lorsqu’on n’a pas grandi ici. La chance que j’ai eue, c’est le fait que quand j’ai commencé mon stage, j’avais déjà un petit bagage derrière moi et j’avais déjà mes premiers clients. »
Le passage des études à la pratique a donc été plutôt doux. Ce qui lui a été plus difficile, par contre, c’est de s’installer, trouver un local et équiper son bureau à prix raisonnable. Il garde d’ailleurs en souvenir son premier téléphone acheté pour 5 $ chez Emmaüs. Quand on débute, il est important, selon Me Dabo, de garder de bonnes relations avec ses anciens patrons et ses collègues, car personne n’a la science infuse et les conseils de personnes plus expérimentées sont chose précieuse.
Racisme, discrimination et malveillance : la différence
Quand on aborde le sujet de la discrimination ou du racisme, Ibrahima Dabo explique qu’il ne voulait pas se ghettoïser, ne faire que de l’immigration et avoir comme seuls clients la population immigrante. « Je voulais une pratique la plus diversifiée possible », dit-il. « En cour, je dois être impeccable, je ne veux pas que l’on puisse me faire des reproches sur ma façon de faire. Je connais mes dossiers, je ne plaide pas n’importe quoi, je sais que je suis doublement observé : quand on est devant un juge et que l’on est un nouveau visage, il faut être solide. J’apporte aussi toujours un soin particulier à ce que je rédige parce que c’est la porte d’entrée dans le bureau du juge. Sauf quelques exceptions, je peux dire que je me suis toujours senti bien accueilli. Une malveillance n’est pas nécessairement de la discrimination ni du racisme et je n’ai jamais eu de confrontation directe avec des gens. La majorité de mes clients sont québécois; ils ne m’auraient pas fait confiance s’il y avait eu du racisme ou de l’intolérance », résume Me Dabo.
Immigrer pour une vie meilleure
Marié et père d’une petite fille, il est maintenant bien établi et essaie de maintenir une vie équilibrée entre famille et travail. Il considère que sa vie et son immigration au Québec sont réussies. « J’ai un parcours rempli de défis de toutes sortes, mais je suis fier de ce que j’ai accompli à ce jour », conclut-il.