Dossiers mardi 2 août 2022
Chef de fil en droit des Autochtones
Me Paul Dionne, Ad. E.
Par Marie-Hélène Paradis
Me Paul Dionne a représenté pendant près de 40 ans des organismes inuit, des Premières Nations et des conseils tribaux. Véritable pionnier en droit autochtone, il a fait avancer ce champ de pratique et il est considéré comme un chef de file dans son domaine.
Né aux Îles-de-la-Madeleine, Me Paul Dionne a déménagé à Sept-Îles alors qu’il était encore enfant. « Deux réserves des Premières Nations se trouvent dans cette zone, mais à l’époque, il n’y avait aucun contact entre notre communauté et la leur », se souvient-il. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans, lorsqu’il occupe un emploi d’été à la rivière Moisie, qu’il est amené à côtoyer et à découvrir les Autochtones qui vivaient dans des campements à proximité.
Lorsqu’il obtient son titre d’avocat, Me Dionne commence à pratiquer dans le cabinet de son père, également avocat. Au décès de celui-ci, il part œuvrer pendant quelques années comme directeur régional de ce qui était alors la Direction du Nouveau-Québec à Kuujjuaq et Kuujjuarapik. À son retour, il s’inscrit à la maîtrise en droit public à l’Université d’Ottawa et rédige son mémoire sur le thème des revendications autochtones. Puis, il s’installe à Montréal où il renoue avec la pratique du droit.
Fier d’avoir fait confirmer des droits
Au début des années 1980, très peu d’avocats se consacraient au droit autochtone. « Nous innovions constamment, car la jurisprudence était quasiment inexistante. Tout était à faire au niveau de l’interprétation de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. C’était très stimulant intellectuellement et, en tant qu’avocats, nous devions bâtir des raisonnements juridiques très structurés pour inciter les tribunaux, notamment la Cour Suprême, à prendre des décisions audacieuses », se remémore Me Dionne.
Les défis n’ont pas manqué sur son parcours professionnel, mais il les a tous relevés avec enthousiasme. « Je me suis souvent heurté au « monstre sans visage » de la fonction publique dans le cadre des nombreuses négociations que j’ai menées tant au provincial qu’au fédéral. Même si certains fonctionnaires se montraient compréhensifs, ils devaient aussi rendre des comptes à leurs supérieurs. Il fallait donc trouver des façons de négocier pour atteindre les objectifs », explique Me Dionne.
Il ajoute qu’il lui a aussi fallu gagner la confiance des groupes autochtones avec lesquels il a travaillé. « Même si les choses ont beaucoup changé aujourd’hui, ils se montraient méfiants à l’époque, non sans raison, et je me suis efforcé de nouer des liens avec eux », se souvient Me Dionne. Et avec succès, puisqu’il a été amené à négocier pour ces communautés tant des traités que des ententes administratives, des revendications particulières ou des contrats d’affaires. Il a aussi été très actif dans la défense des droits des Autochtones devant les tribunaux. Ainsi, Me Dionne a eu l’occasion de plaider devant plusieurs juridictions, incluant la Cour Suprême du Canada. Il a également été le premier au Québec à plaider devant le nouveau tribunal fédéral voué au règlement des revendications particulières des Premières Nations. « J’ai toujours éprouvé davantage de fierté à faire confirmer certains droits des groupes autochtones que d’obtenir pour eux des compensations monétaires », souligne-t-il. Il cite en exemple la modification de certaines règles d’inscription au Registre des Indiens, règles à la source de discrimination, et ce depuis des décennies.
L’expertise de Me Paul Dionne a été reconnue à de nombreuses reprises. Il a notamment été cité comme référence de doctrine en droit autochtone par la plus haute cour du pays (R. c. Desautel, 2021 CSC 17) et a aussi été régulièrement désigné comme l’un des meilleurs avocats dans ce champ de pratique par The Best Lawyers in Canada. Chaque année de 2013 à 2019, il a aussi été mentionné dans la courte liste des chefs de file en droit autochtone du Canadian Legal Lexpert Directory. Le cabinet Dionne Schulze, qu’il a cofondé en 2006, figure parmi les meilleurs cabinets de droit des Autochtones au Québec et au Canada.
Une reconnaissance inattendue
Me Dionne se dit heureux d’avoir pu aider à développer l’intérêt des jeunes envers le droit autochtone par le biais des cours qu’il a donnés à l’Université du Québec à Montréal. Auteur de nombreux articles et publications, conférencier, il a aussi représenté plusieurs groupes autochtones en comité parlementaire et il est membre fondateur du Comité du droit en regard des peuples autochtones du Barreau du Québec.
Par son implication, il a assurément contribué à améliorer la compréhension de certaines notions historiques et principes juridiques ayant trait aux peuples autochtones tant auprès du grand public que des étudiants, universitaires, avocats et magistrats.
Avocat à la retraite depuis mars 2019, Me Dionne dit avoir été surpris de recevoir la distinction d’Avocat émérite puisqu’il ne pratique plus. « C’est une reconnaissance à laquelle je ne m’attendais pas, et une fois la surprise passée, cela m’a fait chaud au cœur de réaliser que des confrères avaient plaidé ma cause. Cela rejaillit également sur le cabinet au sein duquel j’ai pratiqué. Je suis bien sûr très fier, mais je reçois ce titre avec modestie et humilité », confie-t-il.