Dossiers mardi 2 août 2022
Choisir la carrière de juriste universitaire
Me Hugo Cyr, Ad. E.
Par Marie-Hélène Paradis
Intéressé par les sciences humaines, les sciences politiques, l’économie, la sociologie, et en fait tout ce qui touche à l’organisation de la société et qui structure les relations entre l’autorité et les citoyens, le droit n’a pas été le premier choix de carrière de Me Hugo Cyr.
« J’étais intéressé par plusieurs disciplines, mais je me suis vite rendu compte que le droit combinait tous mes champs d’intérêt, toutes les disciplines qui m’intéressaient. Le droit devenait alors un domaine qui me permettait d’explorer toutes mes préférences », raconte-t-il. Ses études en droit civil et en common law à l’Université McGill, sa maîtrise à la Yale Law School à New Haven et son doctorat en droit à l’Université de Montréal représenteront à chaque fois des étapes pour approfondir sa compréhension des interactions entre le droit et la société.
À l’issue de ce parcours académique particulier, Me Cyr démarre une carrière en droit constitutionnel. Il travaillera comme auxiliaire juridique auprès du juge Ian C. Binnie, à la Cour suprême du Canada, puis deviendra professeur de droit et, par la suite doyen de la Faculté de science politique et de droit de l’UQÀM, de 2015 à 2020. Également membre du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ) et du Centre d’analyse politique – Constitution et Fédéralisme (CAP-CF), Hugo Cyr a été nommé tout récemment par le conseil des ministres du gouvernement du Québec directeur général de l’École nationale d’administration publique (ENAP) de l’Université du Québec.
Avec le temps, Hugo Cyr élargit ses intérêts et s’intéresse aux enjeux des transformations technologiques. « Les rapports de pouvoir qui découlent des nouvelles technologies font alors leur apparition dans ma façon d’aborder les questions de droit, explique-t-il. Il est fascinant de constater comment les technologies d’aujourd’hui peuvent changer l’organisation d’une société et de constater tous les risques, autant que les avantages, que cela comporte. »
Une nouvelle composante du droit aujourd’hui : l’intelligence artificielle
Me Cyr a développé une expertise en matière d’intelligence artificielle; il est membre fondateur de LegalIA, qui œuvre pour un développement éthique et responsable de l’intelligence artificielle en droit, et de HumanIA, un collectif de recherche interdisciplinaire et humaniste qui oriente ses travaux en IA vers le bien commun.
« L’intelligence artificielle fait de plus en plus partie de nos vies et, en ce sens, les enjeux éthiques et juridiques deviennent de plus en plus liés et pressants », expose Me Cyr. « Outre les enjeux associés à la vie privée et à l’autonomie des personnes, l’IA impose, par exemple, d’importants défis en matière de lutte à la discrimination. Plusieurs algorithmes utilisés par les entreprises ou les autorités gouvernementales ne sont pas publics. Il est par conséquent difficile d’évaluer s’ils contiennent d’éventuels biais discriminatoires. Aussi, parce que les données qui ont pu être utilisées pour entraîner ces systèmes peuvent refléter des biais discriminatoires déjà existants dans la société, biais qui risquent alors d’être encodés et reproduits de manière systématique et à grande échelle. » En bout de ligne, poursuit Hugo Cyr, même si les algorithmes et les données ne sont pas en eux-mêmes discriminatoires, « les décisions qui résultent de leurs analyses peuvent avoir, dans les faits, des impacts négatifs disproportionnés sur certaines catégories de personnes. »
Il y a donc là un immense chantier à explorer pour s’assurer que les gains de l’IA ne seront pas acquis au prix d’une plus grande discrimination. « Et l’intégration des nouvelles technologies au sein de l’appareil administratif de l’État pose tout un lot de questions sur le respect de l’équité procédurale et la justice naturelle », résume-t-il.
Professeur : un titre porté avec fierté
Me Cyr est d’abord et avant tout un professeur, un juriste universitaire. Les domaines qu’il privilégie sont les droits de la personne, le droit constitutionnel pour lequel il est souvent appelé en tant qu’expert et, évidemment, l’intelligence artificielle en lien avec les droits de la personne.
Quand on lui demande ce dont il est le plus fier dans sa carrière, il répond spontanément que la contribution à former la prochaine génération de juristes et d’étudiants est assurément une grande fierté pour lui. « Ils seront excellents sur le plan technique, en plus d’avoir une capacité de réflexion critique et imaginative, une réflexion sur le fonctionnement de nos institutions démocratiques. Contribuer au développement de la doctrine en droit, éveiller la conscience des étudiants, pousser leur potentiel au maximum et libérer leur imagination pour qu’ils aient une vision plus globale : voilà ce qui me motive à tous les jours. »
Implication et mentorat
Me Cyr s’est impliqué au sein de nombreuses organisations tout au long de sa carrière. Qu’il s’agisse de la Chaire UNESCO d’étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique, dont il a été vice-président, de l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice, de l’Association du Barreau canadien ou encore du Global Legal Hackathon, Hugo Cyr a toujours cherché à renforcer les ponts entre le monde universitaire et celui de la pratique. « La pratique du droit, que j’ai toujours poursuivie, a souvent nourri ma réflexion comme universitaire. La théorie et la pratique doivent se nourrir l’une et l’autre. »
« La fierté que je ressens quand je vois la réussite de mes étudiants m’a été transmise par mon mentor, le professeur François Chevrette. Me Chevrette a été un guide pour ma carrière et son immense générosité envers ses étudiants m’a marqué. Il a été pour moi un modèle important. J’essaie de le reproduire et de redonner au moins autant que j’ai pu recevoir. »