Articles mardi 5 avril 2022
Sténographe officiel
Une profession qui requiert rigueur et vitesse d’exécution
Par Johanne Landry
Le sténographe est le professionnel qui, agissant avec neutralité, remet à l’avocat ayant retenu ses services un document écrit rapportant tous les propos entendus au cours d’un interrogatoire, d’une procédure ou d’une audience.
« Le sténographe est la personne qui met sur papier tout ce qu’il a entendu. Idéalement, il est présent lorsqu’il transcrit ce qui se dit. Toutefois, il est aussi appelé à retranscrire, le plus fidèlement possible, ce qui a été enregistré par d’autres, comme dans le cas d’un enregistrement de procès. Le sténographe agit de manière totalement neutre. Il est appelé à préparer des transcriptions officielles certifiées, le plus souvent de procès et d’interrogatoires hors cour, mais la gamme des services qu’on peut lui demander est beaucoup plus large que ça », explique Me Anne-Sophie Jolin, secrétaire du Comité sur la sténographie.
Il y a 212 sténographes officiels au Québec : 172 exercent en français, 15 en anglais et 25 dans les deux langues. Ils ne sont pas assez nombreux pour la création d’un ordre professionnel, mais les sténographes officiels du Québec sont tout de même encadrés avec autant de rigueur que les membres d’un ordre professionnel par le Comité sur la sténographie du Barreau du Québec. Ce dernier contrôle l’admission à la profession, l’inscription au Tableau des sténographes officiels, la vérification annuelle des informations, le paiement de la cotisation, ainsi que le respect des règles déontologiques. Une personne qui a suivi la formation de sténographe ne peut pas prétendre au titre sans avoir d’abord réussi les examens du Comité.
Adopté en mai 2006, le Règlement sur la formation, le contrôle de la compétence, la délivrance d’une attestation, et la discipline des sténographes détient tous les pouvoirs en ces matières. « L’École de sténographie judiciaire du Québec, un établissement du ministère de l’Éducation, est le plus ancien établissement d’enseignement de la sténographie au Québec. Neuf autres organismes privés sont aussi reconnus par le Comité », précise Me Jolin.
Vice-présidente du Comité sur la sténographie, Karine Laperrière est sténographe officielle depuis plus de 20 ans. « C’est une profession qui m’a permis de mieux connaître le monde judiciaire, d’être au fait de dossiers intéressants, d’acquérir des notions de droit et d’en apprendre sur une multitude d’autres domaines. Nous livrons un beau produit écrit et nous savons qu’il va être utilisé. Nous sommes fiers de nos performances, c’est valorisant », dit-elle.
Son principal défi? Créer une distance avec les propos qu’elle entend, sans chercher à comprendre ou à traiter l’information, ceci afin de maintenir la vitesse nécessaire pour tout rapporter fidèlement.
Deux méthodes de travail
Il existe trois façons de rapporter les propos, mais uniquement deux sont encore utilisées. Il y a d’abord la sténotypie, où le sténographe travaille avec un clavier de 23 touches sur lequel il tape des codes qui lui permettent de transmettre les propos en temps réel à un ordinateur. Les notes sont disponibles immédiatement après une révision rapide. L’exigence du Comité pour cette méthode est de pouvoir taper 200 mots à la minute. « C’est extrêmement rapide et c’est un défi, mais que certains aiment relever », explique Karine Laperrière. Celle-ci, pour sa part, travaille avec le sténomasque dans lequel elle répète à voix basse tout ce qu’elle entend. Quelle que soit la méthode, le but et le produit final sont les mêmes.
« J’ai été parmi les dernières à pouvoir me présenter aux examens du Comité sans avoir reçu une formation. J’ai appris à utiliser le sténomasque en le pratiquant. Aujourd’hui, l’École de sténographie judiciaire forme les sténotypistes et d’autres établissements enseignent la méthode avec sténomasque », précise Karine Laperrière.
Les avancées technologiques ont grandement aidé la profession. « Mes mentors, raconte madame Laperrière, prenaient des notes en direct de tout ce qui se passait à la Cour et produisaient des cahiers avec les outils dont ils disposaient. C’était grâce à eux qu’on pouvait relire les débats judiciaires, ils avaient raison d’en être fiers. »
Un document qui rapporte fidèlement tout ce qui s’est dit
Quel est l’avantage pour un avocat de recourir aux services d’un sténographe? Il disposera d’un document produit par une personne neutre et assermentée qui fera une transcription verbatim tout ce qui se sera dit au cours d’une audition.
« Parfois, raconte Karine Laperrière, les avocats argumentent et s’enflamment. Je dois alors leur rappeler de ralentir le débit et d’éviter de parler en même temps qu’une autre personne afin que je puisse faire mon travail correctement. » La sténographe rappelle par ailleurs aux avocats l’importance, surtout en visioconférence, d’assurer des conditions optimales : le port d’un casque d’écoute, un local exempt de bruits distrayants et une bonne connexion Internet.
Mais en quoi la présence d’un sténographe officiel représente-t-elle une valeur ajoutée en regard des débats enregistrés? « Il n’y aura pas d’inaudible, répond madame Laperrière. L’avocat ne peut pas toujours s’assurer que le micro est dégagé, car il a bien d’autres choses à gérer. Le témoin peut parfois répondre avec un geste ou un signe de tête, marmonner ou prononcer incorrectement; dans de tels cas, le sténographe lui demandera de répéter son propos. »
Un défi de recrutement
Comme dans tous les domaines actuellement, il y a pénurie de main-d’œuvre et le Québec a besoin d’un nombre accru de sténographes qualifiés. « On recherche surtout des sténographes capables d’exercer en anglais, dit Me Jolin. Ils ne sont que 40 pour couvrir tous les besoins du territoire québécois. La formation s’acquiert en ligne et le taux de placement pour un emploi est élevé. Ils sont des acteurs importants du système judiciaire ».