Articles mardi 11 novembre 2025
Protéger l’état de droit : l’affaire de tous
Par Julie Perreault
Plus qu’un simple concept, l’état de droit est un pan essentiel à notre société et sa préservation nous concerne tous.
Comprenez-vous ce qu’est l’état de droit? C’est ce qu’on a cherché à identifier dans un sondage mené l’été dernier, en amont de la campagne Protégeons notre État de droit. Commandée par les initiateurs de la campagne, le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec, l’étude a permis de brosser un tableau des connaissances du public par rapport à l’état de droit et ses principes, et leur compréhension de son application dans leur quotidien.
Ce sondage a servi à baliser le paysage de départ dans lequel s’est déployée la campagne Protégeons notre État de droit, lancée officiellement par le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec le 15 septembre dernier, à l’occasion de la Journée internationale de la démocratie.
Qu’est-ce que l’état de droit?
L’état de droit est la somme des règles que la société s’est données pour assurer une vie collective. C’est un système d’organisation qui régit l’ensemble des rapports sociaux et politiques, lesquels sont soumis au droit.
Ces règles, établies par le biais de procédés démocratiques, sont le fondement d’une société égalitaire, qui vise à faire primer les volontés collectives sur les volontés individuelles, le tout dans le respect des droits et libertés fondamentales de chacun.
Elles assurent également l’équilibre au niveau de la séparation des pouvoirs. Les jugements qui sont rendus par les tribunaux et qui ont un impact sur les gens sont rendus en toute indépendance. En ce sens, les citoyens et les citoyennes sont tous assujettis aux mêmes lois, aux mêmes règles et aux mêmes procédés, peu importe leur rôle ou leur statut social, et tant celui qui gouverne que celui qui est gouverné.
Au quotidien, l’état de droit se décline de plusieurs manières. « Cela peut se traduire par le simple fait qu’un professeur puisse proposer des sujets de lecture et en discuter librement avec ses élèves. Que dans notre société, il soit possible d’accéder à des services d’avortement en toute sécurité. Ou encore, qu’il soit possible pour un citoyen ou une citoyenne de contester une loi devant les tribunaux sans peur de représailles, car notre système judiciaire est indépendant », cite entre autres exemples le bâtonnier du Québec, Me Marcel-Olivier Nadeau.
Un rappel essentiel
Dans un contexte mondial où il est grandement mis à mal, dont dernièrement chez nos voisins américains, il apparaissait primordial pour les deux ordres professionnels d’informer ou de rappeler au public en quoi consiste l’état de droit, ce qu’il garantit et pourquoi il faut le protéger.
Car, comme le mentionne le bâtonnier lui-même, qui aurait cru, il y a 15 ans, que l’on verrait des menaces proférées ouvertement à l’égard d’avocats? Que les États-Unis restreindraient voire refuseraient l’accès à l’avortement dans plusieurs de ses États ou qu’un animateur et humoriste (Jimmy Kimmel) serait retiré de son émission parce que le président de son pays n’aime pas ce qu’il dit? Bien que ces exemples proviennent de nos voisins au sud de la frontière, le Québec et le Canada ne sont pas à l’abri d’une situation similaire.
« Avec cette campagne, nous avons voulu rappeler à quel point l’état de droit est important dans nos vies et la nécessité de le protéger. Car, l’état de droit et la démocratie, ça ne se résume pas à voter chaque quatre ans. »
En effet, l’impact de l’état de droit est majeur et omniprésent. C’est ce qui assure la prévisibilité et de la stabilité juridique à la société civile et, par le fait même, la protège de l’arbitraire.
L’état de droit, par exemple, c’est la capacité de s’exprimer publiquement, sur tous les sujets, et de s’associer librement avec quiconque dans la poursuite d’objectifs communs qu’ils soient professionnels, politiques ou récréatifs. C’est ce qui garantit, en outre, les mécanismes de contre-pouvoir.
« Toutefois, comme le spécifie le bâtonnier, il n’y a rien d’absolu dans la société. Il y a, par exemple, des limites à la liberté d’expression. On ne peut diffamer ou propager un discours haineux qui vise à inciter les autres à haïr une personne ou un groupe. Cela dit, les propos doivent avoir une forme de gravité importante pour retirer des ondes un animateur, par exemple, ou empêcher les citoyens de se faire entendre. Sans quoi, cela devient arbitraire. Pour résumer, l’état de droit protège le droit de s’exprimer librement, mais il protège aussi contre les abus. Voilà tout l’équilibre que permet l’état de droit, et ça, c’est extrêmement précieux », réaffirme le juriste.
L’éducation comme remède
La réalisation du sondage a permis de mettre en lumière plusieurs points positifs, notamment le fait que, parmi les répondants et répondantes :
- 91 % étaient au fait que les lois doivent être claires, accessibles et votées démocratiquement.
- 91 % savaient que les tribunaux doivent être impartiaux et trancher les conflits selon la loi.
- 88 % étaient au courant que les lois sont les mêmes pour les citoyens et citoyennes et les élus.
Cependant, l’exercice a aussi permis de cerner quelques lacunes ou points de confusion par rapport à notre système judiciaire et notre système politique. Par exemple :
- 29 % des répondants et répondantes ignoraient que le premier ministre du Canada ne peut pas gracier une personne d’un dossier criminel.
- 26 % ne savaient pas que le gouvernement ne peut pas annuler une décision judiciaire.
- 26 % ignoraient que le premier ministre du Canada ne peut pas invalider une décision de justice.
Pour le bâtonnier, cela met en évidence la nécessité de poursuivre les initiatives d’éducation juridique. « Nous avons entre autres Éducaloi, dont le Barreau est partenaire, qui tient de multiples cliniques d’informations juridiques par année. L’organisme offre aussi des ateliers juridiques gratuits en milieu scolaire, lors de la Semaine nationale de l’éducation juridique (SNEJ). Cette année, le thème est la promotion et protection de l’état de droit et je suis l’un des juristes bénévoles qui donnent un atelier. Un autre de nos partenaires, la SOQUIJ, travaille aussi très fort à informer les citoyens de tous âges sur leurs droits : droit de la jeunesse, droit familial, importance d’un testament, etc. », cite en exemple Me Nadeau.
Bien que les activités en matière d’éducation juridique soient de plus en plus connues et attirent davantage de participants et participantes chaque année, Me Nadeau souhaite qu’éventuellement, un cours en bonne et due forme fasse partie du programme scolaire.
« On aimerait, à court ou moyen terme, voir les cours d’éducation citoyenne au primaire et au secondaire inclure de larges portions sur le système judiciaire et sur les principes juridiques du « vivre-ensemble » : s’informer, connaître et reconnaître les droits et libertés, comprendre et respecter les mécanismes de contre-pouvoirs. »
La campagne en quelques points
- La campagne Protégeons notre État de droit se déroule du 15 septembre 2025 jusqu’au 15 mars 2027.
- De nombreuses activités ont lieu tout au long de la campagne, dont la Semaine nationale de l’éducation juridique, du 10 au 14 novembre prochain.
- Une boîte d’outils téléchargeable est disponible sur le site du Barreau du Québec.