Articles mardi 4 octobre 2022
Projet Panorama
Faits saillants des résultats du sondage auprès des participants
Par Johanne Landry
Les avocats des 29 cabinets et contentieux engagés dans le projet Panorama ont été invités à participer à un sondage dont les résultats ont été publiés, en août 2022, dans un rapport intitulé La diversité ethnoculturelle et l’inclusion dans la profession. Le but de la démarche consiste à comparer les réponses fournies cette année avec celles que ces mêmes cabinets et contentieux ont communiquées en 2017, au début du projet.
« L’objectif du projet Panorama, rappelle Me Fanie Pelletier, conseillère à l’équité au Secrétariat de l’Ordre et Affaires juridiques, est de mobiliser la profession pour favoriser l’inclusion des membres issus de la diversité ethnoculturelle par le biais des cabinets et des contentieux qui s’y joignent en mettant en commun les ressources et les expériences des différents milieux de travail ».
Les sondages de 2017 et de 2022 ont été menés auprès des avocats des cabinets et des contentieux participant au projet Panorama. « Le Barreau-mètre 2022 – La profession en chiffres nous fournit les données pour l’ensemble de la profession, mais nous voulions connaître le point de vue spécifique des participants au projet », explique Me Pelletier.
Les avocats issus de la diversité ethnoculturelle davantage présents
En 2017, 13 % des avocats sondés s’identifiaient à un groupe issu de la diversité ethnoculturelle, alors qu’en 2022, ils sont 17 % à le faire. « Dans la profession en général, ce groupe tourne autour de 10 %. Il faut toutefois mettre en perspective le fait que les cabinets et les contentieux qui participent au projet sont établis surtout à Montréal et dans les grands centres, où la diversité est plus présente », commente Me Pelletier.
Les résultats du sondage démontrent que la communauté la plus présente parmi les cabinets et les contentieux participants est celle des gens qui s’identifient comme des Nord-africains ou provenant du Moyen-Orient, suivie par le groupe des membres qui s’identifient comme des personnes noires. « La proportion des membres de ce dernier groupe est plus petite que dans l’ensemble du Barreau. Autrement dit, les avocats noirs sont moins présents dans les grands cabinets et les contentieux que dans les petits bureaux », explique Me Pelletier.
Au-delà des chiffres, les réponses aux questions d’ordre qualitatif qui portaient sur le sentiment d’inclusion ainsi que sur l’accès aux opportunités professionnelles démontrent que l’optimisme des avocats issus de la diversité a diminué depuis 2017. En effet, on note une baisse d’optimisme de 8 % au sujet des possibilités d’emploi, de 3 % concernant l’accès aux clients, de 4 % quant aux possibilités d’avancement et de parrainage, et de 13 % pour le mentorat. Les avocats qui ne sont pas issus de la diversité, quant à eux, considèrent que les possibilités sont les mêmes. « C’est intéressant de constater les différences dans les perceptions », ajoute Me Pelletier, qui précise que l’accès plus difficile aux clients a été relevé dans les deux groupes. Le nom de famille, l’accent et les différences de références culturelles sont les principaux obstacles identifiés à cet égard. Les réponses reflètent également le fait qu’il y a peu d’avocats issus de la diversité ethnoculturelle qui occupent des postes de direction. »
Des incidents à caractère discriminatoire non rapportés
Les réponses aux questions leur demandant s’ils avaient vécu ou avaient été témoins d’incidents à caractère discriminatoire, comme des blagues, des remarques ou des questions fondées sur des préjugés relatifs à l’origine ethnoculturelle, démontrent que, malheureusement, ce genre d’événements est encore bien présent et même en hausse de 33 % depuis 2017. « Il faut toutefois tenir compte de l’augmentation du nombre de répondants, car de grands contentieux ont joint le programme en cours de route. Ce qui se maintient, par contre, dans la majorité des cas, c’est que les gens victimes ou témoins n’ont pas dénoncé ni rapporté ces incidents à leur employeur. Manifestement, ces comportements qui peuvent venir de collègues ou de clients passent encore sous le radar », déplore Me Pelletier.
Les employeurs sont-ils suffisamment impliqués?
À la question portant sur l’engagement de leur employeur, les avocats non issus de la diversité ont répondu que leur employeur prenait au sérieux l’inclusion des avocats issus de la diversité ethnoculturelle. Sur ce sujet, également, les perceptions diffèrent de celles des avocats de la diversité, ces derniers étant moins optimistes par rapport aux moyens concrets mis en place. « Ils nous disent que leurs employeurs s’engagent au plus haut niveau décisionnel envers la diversité ethnoculturelle et l’inclusion dans le milieu de travail, mais que ces efforts se traduisent peu dans les faits. Même si on voit plusieurs mesures prises pour augmenter l’embauche, l’avancement au sein de l’organisation demeure plus difficile », explique Me Pelletier.
Parmi les moyens préconisés par les répondants pour améliorer la situation, on retrouve la formation, notamment sur les préjugés inconscients, une forme de discrimination positive à l’embauche, ainsi que le mentorat et la nomination de personnes issues de la diversité à des postes de haute direction, ce dernier constituant un message fort.
Maintenir la mobilisation
Les résultats du sondage pointent les aspects sur lesquels il faut continuer de travailler. « Notre défi est de maintenir la mobilisation, de garder l’enjeu sur le radar et d’en parler », dit Me Pelletier. Les échanges entre les participants sont justement la valeur ajoutée du projet Panorama, souligne-t-elle. « Les meilleures pratiques sont connues et documentées, Ce qui fait la différence, c’est cette mobilisation concertée. »
À moyen terme, la relève contribuera à changer la situation, estime Fanie Pelletier, puisque les étudiants issus de la diversité ethnoculturelle sont plus nombreux à s’inscrire à l’École du Barreau.
Me Fanie Pelletier rappelle qu’il est toujours possible pour les cabinets et les contentieux de se joindre au projet Panorama. La Caisse de dépôt et placement du Québec, Bombardier et Justice Canada l’ont fait dernièrement. « Ces organisations ont souvent une longueur d’avance sur les cabinets privés qui ne sont pas soumis à la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi ou d’autres législations similaires. Ils viennent partager leur expertise. Ce sont également des donneurs d’ouvrage, étant les clients des grands cabinets : de là vient tout l’intérêt de susciter le dialogue entre eux. »