Articles mardi 4 octobre 2022
La justice dans le Nord
Par Me Fanie Pelletier
Le Barreau du Québec est, depuis plusieurs années, engagé envers l’amélioration de l’administration de la justice au sein des communautés autochtones, particulièrement dans les régions du Nunavik et de la Côte-Nord.
Dès 2013, des représentants du Barreau sont allés à la rencontre des communautés et des acteurs du système de justice dans ces régions et publié un Rapport sur les missions du Barreau du Québec auprès des communautés autochtones du Grand Nord québécois.
Depuis, le Barreau s’est doté d’un Comité sur le système de justice au Nunavik et d’un Comité de justice - Cour itinérante Côte-Nord qui favorisent le dialogue et la coordination avec les acteurs concernés, dont la magistrature, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), les avocats de pratique privée et les organismes socio judicaires autochtones.
Le Barreau continue de poser des actions afin de contribuer à améliorer l’accès à la justice. Les membres de son Conseil d’administration et ses employés reçoivent de la formation sur la culture et les réalités propres aux Inuit. En outre, le Barreau a formulé plusieurs recommandations et demandé un accroissement du financement à chaque occasion pertinente, dont dernièrement à l’occasion des élections provinciales. Il a produit mémoires et témoignages en commission parlementaire et a apporté son aide à plusieurs niveaux à l’égard du fonctionnement de la Cour itinérante.
Soucieux de toujours mieux connaître les enjeux de l’administration de la justice au sein de ces communautés, le Barreau a récemment réalisé un autre séjour sur la Côte-Nord.
Constats sur le terrain et pistes de solution
Sur la Côte-Nord, en dehors des grands centres comme Baie-Comeau et Sept-Îles, la justice est rendue par la Cour itinérante qui ne se déplace que quelques semaines par année au sein notamment de communautés innues et naskapies. Un terme de la Cour itinérante de la Cour du Québec en matière criminelle avait lieu à la fin août à Natashquan, offrant ainsi une opportunité d’aller sur le terrain observer comment le tout se déroule et rencontrer les gens.
Ce séjour a permis de prendre la pleine mesure des enjeux rapportés au sein des comités. À titre d’exemple, les locaux utilisés par la Cour itinérante ne sont pas toujours adéquats pour les rencontres entre les procureurs et les témoins, les avocats et les accusés ou d’autres intervenants. Les personnes rencontrées dans les diverses organisations telles que le CAVAC, le Centre d’amitié autochtone de Sept-Îles ou le Centre de santé et services sociaux de Nutashkuan ont identifié plusieurs besoins en matière de justice, dont une ressource de type « agent de liaison » pour l’accompagnement des justiciables autochtones dans le cheminement complexe du système judiciaire, pas toujours adapté à la culture et aux réalités autochtones.
Le manque d’avocats dans la région, notamment d’avocats autochtones, est aussi une préoccupation et le Barreau s’engage à cet égard à soutenir ses membres dans la préparation de leur relève et à promouvoir des mesures pour favoriser l’accès à la profession pour les Autochtones.
L’autodétermination et la réappropriation
Le système judiciaire actuel permet des mécanismes particuliers en milieu autochtone, tels que des comités de justice formés de membres de la communauté et qui visent à déjudiciariser des situations ou à offrir des alternatives à des peines d’emprisonnement.
Le Barreau soutient pleinement la mise en place et le financement de comités de justice au sein de toutes les communautés autochtones qui le souhaitent. Il soutient également la prise en charge des services de protection de la jeunesse par les communautés, soit par le biais d’ententes établissant des régimes particuliers prévues à la Loi sur la protection de la jeunesse ou d’autre mécanismes prévus par la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Ces structures participent à l’autodétermination et la réappropriation du système de justice par les communautés, un objectif prioritaire pour le Barreau.
Un prochain séjour sur le terrain, au Nunavik cette fois, est prévu en 2023. Le récent Rapport sur la situation de la Cour itinérante au Nunavik permettra d’alimenter les travaux du Barreau, des travaux axés sur le soutien à la pratique du droit au sein des communautés autochtones du Nord et sur l’appui à l’autodétermination et la réappropriation du système de justice par les communautés.