Articles jeudi 9 décembre 2021
Donner au suivant
Les besoins sont grands et la faim se fait sentir
Par Marie-Hélène Paradis
Le temps des Fêtes est un moment de réjouissance et de joie pour la plupart d’entre nous. C’est également un temps propice pour partager, donner de l’argent, de son temps et faire preuve de solidarité. Plusieurs questions peuvent surgir lorsqu’on veut faire du bénévolat ou offrir une contribution monétaire. Nous les avons adressées à trois responsables d’organismes et de fondations reconnus.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
La pandémie causée par la COVID-19 a exacerbé plusieurs besoins. Qu’il s’agisse des aînés vivant seuls, des personnes en situation d’itinérance ou encore des personnes et des familles ayant besoin d’une aide alimentaire, tous les besoins ont augmenté de façon exponentielle et les chiffres ne font que confirmer cette situation. Au Québec, près de 1,2 million de personnes sont en situation de pauvreté et la moitié d’entre elles résident dans la grande région de Montréal. La pauvreté coûte entre 15 et 17 milliards de dollars par année aux Québécois.
Pour obtenir le portrait de la faim au Québec, le Bilan-Faim Québec 2021 et les données socioéconomiques qu’il renferme sont une lecture essentielle. On y retrouve notamment ces données :
- 33 % des bénéficiaires d’une aide alimentaire sont des enfants;
- 1,9 million de demandes d’aide alimentaire sont enregistrées chaque mois;
- 610 000 personnes sont aidées chaque mois, ce qui représente une augmentation de 22 %. *[1]
[1] D’après le Bilan-Faim Québec 2021 publié par Les banques alimentaires du Québec.
Bilan-Faim
Le Bilan-Faim est un sondage annuel auquel participent les banques alimentaires membres de Banques alimentaires Canada (BAC). L’objectif est de mesurer les interventions en soutien alimentaire qui sont faites par les organismes communautaires à travers le pays. En découlent des grilles de partage de denrées et d’argent entre les provinces, les régions, les Moissons et, finalement, les organismes de quartier. Ces grilles de partage aident à redistribuer équitablement la nourriture et l’argent recueillis entre chacun des comptoirs affiliés d’aide alimentaire, en fonction de leur niveau de service respectif. Le Bilan-Faim permet de constater l’évolution du visage de la faim au fil du temps. Au Québec, c’est un modèle unique incluant 19 organismes du réseau Moisson Québec, 13 membres associés, 1 200 organismes communautaires locaux affiliés, 4 000 employés et 15 000 bénévoles. Au total, 35 à 60 millions de kilos de denrées sont récupérés, triés et partagés entre les membres du réseau Moisson Québec et les organismes associés.
Les citoyens qui bénéficient de ce réseau d’aide alimentaire sont les aînés, les personnes avec des revenus insuffisants ou recevant de l’aide sociale et les familles monoparentales. Élément nouveau en ces années de pandémie : plusieurs demandes sont logées par des personnes qui ont un emploi.
Moisson Montréal
Durant la première année de la pandémie, soit en 2020-2021, Moisson Montréal a distribué 42 % plus de nourriture qu’en 2019-2020. Selon son directeur général Richard D. Daneau, on en distribuera cette année environ de 20 à 25 % de plus qu’en 2019-2020. Ce sera donc moins catastrophique que l’année dernière, mais on constate tout de même qu’une personne sur quatre a besoin de l’aide d’une banque alimentaire.
M. Daneau affirme que la faim en Amérique du Nord est un problème de dématérialisation et non pas de disponibilité des denrées. « Malgré la reprise économique, tout le monde n’a pas retrouvé son équilibre financier. Si la hausse de l’inflation se matérialise, il y aura encore plus de gens qui se retrouveront dans le spectre de la pauvreté. Il est démontré que la faim en Occident est un problème transitoire. Pendant une période de leur vie, des gens en difficulté font appel aux services des banques alimentaires et ensuite, ils se débrouillent pour retrouver un certain équilibre et s’en sortent. Probablement que les choses vont empirer, puis s’améliorer. »
Les ménages ayant eu recours au dépannage alimentaire chez Moisson Montréal se composent d’adultes vivant seuls, suivis de familles biparentales et monoparentales. Le seuil de pauvreté, c’est-à-dire le revenu annuel pour une personne seule en dessous duquel celle-ci est considérée comme vivant dans la pauvreté, se situe à environ 22 000 $. Selon un sondage Léger mené en août 2021, nous ne sommes pas conscients de l’ampleur de la pauvreté au Québec, car celle-ci prend plusieurs visages, souvent bien cachés. Toutefois, la pandémie nous a fait prendre conscience que la pauvreté et la vulnérabilité peuvent toucher bien des personnes.
Le bénévolat et les dons toute l’année
« On ne se soucie pas des mêmes choses quand il fait 20 degrés que quand il fait - 20. Les volumes de travail varient un peu, d’un mois à l’autre, mais finissent par se ressembler, car on a faim trois fois par jour, 365 jours par année », souligne le directeur général de Moisson Montréal. « Pendant le temps des Fêtes, on est plus à la mode, comme pendant la Guignolée des médias, et c’est correct, mais les besoins sont présents toute l’année. Nos besoins en bénévolat sont surtout en janvier et février et en juillet et août. C’est là que le bénévolat a le plus d’impact pour nous. »
« La communauté québécoise est engagée et, malgré l’individualisme de nos sociétés, il y a aussi beaucoup de place pour des valeurs d’entraide et de soutien. J’ai confiance que l’on pourra livrer la marchandise. Seulement à Moisson Montréal, nous avons livré au total 117 millions $ en denrées l’an dernier. C’est de l’argent que les organismes n’ont pas eu à chercher et avec ces économies, ils ont pu embaucher des thérapeutes, des psychologues, etc., pour aider les gens qui sont précarisés et ainsi leur donner les moyens de se sortir de cette spirale de pauvreté. Notre objectif est de réduire le temps de passage des gens dans les comptoirs alimentaires parce que ce n’est certainement pas un projet de vie que d’aller au comptoir », affirme Richard D. Daneau.
Il y a moyen de donner au suivant avec un don dédié à un organisme communautaire. Si vous souhaitez vous inscrire pour faire du bénévolat, vous pouvez le signaler en communiquant à : benevolat@moissonmontreal.org
Centraide
Selon Marie-Lyne Brunet, directrice, Impact dans les collectivités chez Centraide du Grand Montréal, les 350 organismes liés à Centraide ont reçu depuis le début de la pandémie trois fois plus de demandes d’aide. « Il y a un retour à une certaine normalité en ce moment, mais pas à une offre de service régulière, que l’on parle de sécurité alimentaire, de santé mentale, des aînés ou d’itinérance. Le plus préoccupant dans tout ça, c’est que les personnes sont en situation difficile depuis un an et demi et qu’elles risquent de le rester en permanence si elles n’obtiennent pas le soutien dont elles ont besoin. »
La campagne de financement annuelle permet aux organismes de recevoir l’argent nécessaire pour mener leurs projets à bien pendant un an et souvent même durant trois ans avec un financement stable. Centraide du Grand Montréal distribue 6 millions $ par année pour soutenir 95 organismes en service alimentaire. Grâce aux donateurs, les Centraide du Québec appuient 1 500 organismes indispensables dans 17 régions. Moisson Montréal, Moisson Rive-Sud et Moisson Laval, ainsi que d’autres Moissons reçoivent des fonds. Grâce à leurs denrées, les organismes du réseau de Centraide offrent divers services et activités alimentaires pour que les gens puissent se nourrir adéquatement à plus long terme : cuisines collectives, ateliers culinaires, restos communautaires, livraisons de repas à domicile, etc. « Il y a une équipe sur le terrain dans chaque région pour faire l’analyse des besoins dans le milieu. Un suivi rigoureux est fait pour être certain que les sommes investies servent à bon escient », souligne Marie-Lyne Brunet.
Contribuer, de maintes façons
Les collectes d’argent en entreprise, des activités de sensibilisation et des dons individuels sont les principales façons de faire votre don : www.quebec.centraide.ca
« Le bénévolat se fait plutôt dans les organismes avec lesquels nous travaillons dans les différentes régions. La plateforme jebenevole.ca permet de faire des jumelages entre les organismes que Centraide soutient au Québec et les bénévoles » nous dit Marie-Lyne Brunet.
Fondation Dr Julien
À la Fondation Dr Julien, les besoins sont plus grands, pas tant en nombre d’enfants suivis par la clinique qu’en intensité des problématiques. Le Dr Gilles Julien constate les dommages causés par la pandémie chez les enfants. « Les enfants ont été touchés par le manque de contact avec les gens et par les suivis qui ne se sont pas faits aussi régulièrement. Les enfants avec un retard de développement ont un peu stagné et cela a influencé leur capacité à entrer à l’école. Cela touche plusieurs aspects du développement des enfants et les besoins sont multiples et à différents niveaux, comme la santé mentale, l’anxiété, la détresse psychologique et le développement des jeunes enfants, particulièrement ceux avec un retard de langage », explique-t-il. Les problématiques, souvent sous-jacentes, ont été exacerbées par la pandémie. Elle a obligé le personnel de la clinique à rajuster le tir et à inventer de nouvelles façons de rester en contact avec les enfants et l’école, à garder contact avec les familles, à encourager le sport, les projets de thérapie à distance, tout cela a été un supplément de travail, mais qui a fonctionné tout compte fait.
La Guignolée est l’événement de financement qui permet à la Fondation Dr Julien de remplir ses coffres pour être en mesure d’offrir tous les services nécessaires au bien-être de plus de 10 000 enfants soignés par un réseau de 42 centres soutenus par la Fondation. L’aide gouvernementale couvre le tiers des besoins en financement; le reste vient du financement populaire et corporatif. « Cet événement est aussi très motivateur pour les troupes. On sent la solidarité des gens et ça nous motive pour le reste de l’année », souligne le Dr Julien.
Comment faire une différence?
« Nous avons toujours besoin de bénévoles pour toutes sortes de tâches pendant l’année, mais pour la Guignolée cette année, il nous manque une cinquantaine de personnes. »
Le reste de l’année, ce sont des tâches simples, mais nécessaires qui doivent être faites comme répondre au téléphone, être à l’accueil, accompagner un enfant dans une tâche scolaire ou recueillir les vêtements neufs que l’on reçoit. Il est possible d’en apprendre davantage sur les différentes façons de s’impliquer en allant sur leur site Web. Pour s’impliquer plus intensément, il existe un programme d’accompagnement, Les grands amis, qui prévoit le jumelage entre un bénévole et un enfant pour permettre à celui-ci de se développer et pour favoriser la création d’un lien privilégié basé sur la confiance et le respect mutuel. « C’est bon pour l’estime de soi et la confiance en soi d’être reconnu par un étranger qui prend soin de lui », ajoute le Dr Julien.
Chaque contribution compte
La pauvreté n’est pas une question individuelle, mais bien l’affaire de tous.
Pour participer à la lutte contre ce phénomène, il suffit de trouver une cause qui nous tient particulièrement à cœur et de donner un peu de son temps ou de son argent. Peu importe le montant ou le nombre d’heures offert, chaque geste compte et est apprécié dans le réseau des organisations qui viennent en aide.
Joyeuses fêtes solidaires à tous!
Voici quelques liens pour vous renseigner et pour donner, en temps ou en argent :
Centraide est présent dans toutes les régions du Québec :
Le réseau Moisson se retrouve dans toutes les régions du Québec :
Pour trouver une banque alimentaire près de chez vous :
Les popotes roulantes :