Articles Friday, June 16, 2023
Rencontre avec le nouveau directeur, Me Guy-François Lamy
Une École qui forme des avocats à l’écoute des besoins des citoyens
By Marie-Hélène Paradis
Depuis le 1er avril 2023, Me Guy-François Lamy est le nouveau directeur de l’École du Barreau, après y avoir occupé le poste de directeur adjoint pendant deux ans, et enseigné le droit du travail et la négociation dès 2013. Quels sont ses défis et sa vision pour l’École? Rencontre avec un dirigeant motivé.
Avocat en droit du travail et en droit public, Guy-François Lamy a exercé sa profession en cabinet privé et en entreprise, notamment chez Hydro-Québec et au Conseil du patronat du Québec. Membre du Barreau du Québec depuis 2005, sa carrière s’est d’abord déroulée, de manière classique, comme plaideur durant les sept premières années. Le droit administratif, l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels ont été ses principaux domaines de pratique avec le droit du travail.
En 2012, il entre à l’emploi du Conseil du patronat où, à titre de directeur des affaires juridiques, il s’aguerrit aux fonctions de gestionnaire tout en assumant des dossiers relatifs aux affaires publiques et aux relations gouvernementales. Me Lamy poursuit ensuite sa carrière en tant que directeur général chez Monette Barakett, un cabinet spécialisé en droit du travail et droit public. Au début de l’année 2021, il accepte le poste de directeur adjoint à l’École du Barreau : un retour à l’alma mater, mais, surtout, un plongeon dans un environnement qui le comble à tous points de vue et qui lui fournit un défi à la hauteur de ses aspirations.
Un fil conducteur : la formation
Me Lamy est donc aujourd’hui à la tête de l'École du Barreau, se retrouvant notamment responsable de son administration, de l'organisation de son programme pédagogique et du fonctionnement de l'École et des quatre centres de formation où est donné l'enseignement.
« La formation de la relève, la formation en général, et le coaching des jeunes avocats sont trois éléments importants pour moi. Ils constituent un véritable fil conducteur dans mon parcours. En poste depuis le 1er avril, je ne me suis jamais senti autant sur mon « X » que maintenant! La direction de l’École concentre toutes les priorités et les valeurs que j’ai mises en pratique durant ma carrière, » souligne Me Lamy.
Il faut dire que son entrée en fonction coïncide avec un moment particulièrement bouillonnant pour l’École. Au terme d’une refonte de son programme de formation professionnelle, l’institution aborde actuellement le déploiement du nouveau programme. L’une des pièces majeures de la refonte est la mise sur pied de la Clinique juridique du Barreau, qui vise à faire une place importante à l’apprentissage expérientiel dans le cheminement des étudiants en leur permettant de donner des services juridiques gratuits à la population québécoise, sous la supervision d’avocats chevronnés. Avec ce nouveau programme, l’École modernise son approche et s’ancre davantage dans la « réalité sur le terrain » afin de préparer les futurs avocats à répondre aux besoins réels des citoyens en matière de justice. De surcroît, la Clinique juridique répond à un double objectif pour le Barreau, soit la modernisation des apprentissages fournis par l’École et la bonification de l’accès à la justice, qui constitue l’un des quatre axes du Plan stratégique 2022-2026 de l’Ordre.
Faire partie de ce projet de modification du programme de formation de l’École est extrêmement motivant et gratifiant pour Me Lamy. Celui-ci estime par ailleurs que le fait de siéger au sein du Comité de direction du Barreau en tant que directeur de l’École est tout aussi stimulant et lui donne une vision stratégique des enjeux auxquels est confronté le Barreau de façon plus large. « Je suis complètement en accord avec la vision du Comité de direction du Barreau dirigé par Me Catherine Ouimet. Je me retrouve au sein d’une équipe que je qualifierais de dream team », résume-t-il.
La formation professionnelle : petite histoire en accéléré
Les examens du Barreau existent depuis 1785, sous une forme ou une autre. Mais, pendant presque deux siècles, la cléricature effectuée auprès d'un avocat constituait la seule base de la formation professionnelle. De même, l'admission était du ressort unique des ordres professionnels et le diplôme universitaire ne constituait que l'une des voies d'accès possibles à la profession d'avocat. En 1948, un véritable régime universitaire a été institué : les trois premières années de la formation sont alors consacrées à la formation théorique et la quatrième année, à la formation pratique.
Ce n’est qu’en 1968 que le Barreau du Québec fonde, avec des moyens de fortune, sa propre école de formation professionnelle. L’École du Barreau a vécu plusieurs transformations au fil de son histoire, mais a toujours maintenu son objectif d’assurer la formation professionnelle des futurs avocats et de préserver les valeurs liées à la profession, notamment en ce qui a trait à l’éthique et à la protection du public.
Les changements au programme
La plus récente réflexion sur la modernisation du programme de l’École s’est amorcée en 2015, démarrant sur le constat qu’il devenait nécessaire de mieux préparer les étudiants à la pratique de la profession. « Toujours ancrée dans une perspective « 0-2 ans » pour préparer les étudiants à débuter en pratique, l’approche de l’École ne mettait pas encore suffisamment l’accent sur l’application du droit », explique Me Lamy. « Il s’ensuivait un véritable choc pour les étudiants quand ils passaient de l’École à la vraie vie. Je crois que l’École doit amortir ce choc du passage de la théorie à la pratique : ça fait partie de notre mandat. »
Intégrer la notion d’apprentissage expérientiel représentait tout un défi, selon le directeur, parce que l’examen terminait le parcours pédagogique et survenait avant le stage. « Les étudiants ciblaient uniquement la réussite de l’examen. Alors, quand on tentait de faire l’apprentissage pratique en cours de route, ils percevaient celui-ci comme un élément dérangeant leurs études visant à réussir l’examen. On s’est dit qu’on allait rebrasser les cartes. Il y a encore des examens à passer dans le nouveau programme parce qu’en raison de notre mission de protection du public, on doit évaluer certaines compétences avant de permettre aux étudiants de passer à quelque chose de plus concret. En première partie de la formation en vue des examens, les étudiants sont en mode autoformation et suivent leurs cours. Ils se consacrent à leur apprentissage expérientiel en deuxième partie de programme. »
La Clinique juridique du Barreau bientôt dans les quatre centres de formation
Le projet pilote de la Clinique juridique du Barreau, qui s’est déroulé durant 14 semaines à l’hiver 2022-2023, a donné de très bons résultats. La Clinique sera pleinement déployée à l’automne 2023 dans les quatre centres de formation professionnelle de l’École, à Montréal, Gatineau, Québec et Sherbrooke. « Le premier constat qui est fait, c’est que c’est mission accomplie pour cet objectif. Les étudiants se sentent plus à l’aise lors de leurs stages, car ils ont déjà fait des consultations et des rencontres avec des clients. Ils se sentent beaucoup plus en confiance pour commencer leur stage. La période d’acclimatation de début de stage est devenue moins longue, et le choc est moins dur », se réjouit Guy-François Lamy.
Les activités de la Clinique juridique se déroulent sur trois journées de la semaine. Les deux autres jours sont consacrés à une clinique technique, où les étudiants peuvent compléter leur apprentissage de façon pratique dans des activités qu’ils n’ont pas expérimentées à la Clinique juridique. « Ainsi, cette période de 14 semaines les prépare davantage aux stages et permet qu’ils soient beaucoup plus fonctionnels lorsqu’ils y arrivent. On part du principe que les étudiants ont les connaissances. Nous travaillons donc avec eux sur la manière d’utiliser ces connaissances pour les appliquer dans des situations concrètes. Ce sont des juristes et on les amène maintenant à devenir des avocates et des avocats. On dit que c’est un programme de professionnalisation. »
Un changement de culture
« Il s’agit d’un changement de mentalité important pour les étudiants, expose Me Lamy. Ils ont été habitués à penser que leur plus grand défi, c’était de passer l’examen. Mais le plus grand défi, en fait, c’est de passer du statut d’étudiant à celui de professionnel. C’est cette transformation qui doit s’opérer quand ils sont à l’École du Barreau. Il faut que le programme reflète cette réalité. »
La transformation s’applique aussi au contenu de l’ensemble des cours. Celui-ci évolue, en effet, l’École du Barreau ayant révisé tout le matériel pédagogique, incluant celui nécessaire à l’examen en droit appliqué pour les étudiants en autoformation. La responsabilisation et l’autonomie de l’étudiant sont au cœur du nouveau programme de l’École du Barreau. Ainsi, les étudiants procèdent en début de parcours à leur évaluation diagnostique et doivent préparer un plan d’apprentissage tenant compte de leurs forces et de leurs difficultés pour établir les domaines qu’ils doivent davantage préparer en vue de l’examen. Des professeurs sont disponibles pour répondre à leurs questions, et des coachs sont là également pour les aider à s’habituer à la méthodologie. Liés au cœur de la mission du Barreau et n’étant pas donnés à l’université, les cours d’éthique et de déontologie demeurent sensiblement les mêmes. Par contre, de nouveaux cours sur la théorie de la cause et la rédaction sont maintenant offerts.
« Nous travaillons aussi sur la formation des maîtres de stage et sur les outils d’évaluation des stages pour nous assurer que le tout est en lien avec le nouveau programme de l’École. En résumé, nous avons changé plusieurs choses, à commencer par notre approche à la formation professionnelle. J'oserais même dire que la nouvelle approche constitue la réforme la plus importante dans la formation offerte au Barreau », conclut Me Lamy.
On peut prendre connaissance du nouveau programme de formation professionnelle de l’École du Barreau en cliquant ici.